ENTRETIEN AVEC LAURENT JAMES, FONDATEUR DU MOUVEMENT PAROUSIA

1-A l’occasion du quatrième anniversaire du mouvement Parousia, vous organisez une commémoration à la Salette le Samedi 15 Septembre. Aux lumières de ces quatre années d’existence, pourriez-vous nous expliquer la genèse et l’histoire de ce mouvement ?

Parousia est la partie émergée d’un long et lent travail de réappropriation des espaces antérieurs de nos fondations raciales et spirituelles, un désenfouissement aussi harassant qu’exaltant des réseaux tectoniques de notre plaque tournante eurasiatique. Il s’agit d’établir à nouveau une connexion vivante et agissante entre celtisme et christianisme, dégager les écorces mortes de ces deux mondes archaïques, anti-modernes, pour en célébrer les épousailles héroïques et régénératrices. Deux mille ans après que le Christ ait prolongé et couronné les spiritualités de l’ère du Bélier (Yahvé, mais également Jupiter, Odin, El et Taranis), il nous faut aujourd’hui reboucler la ceinture du Temps, provoquer une nouvelle remontée de l’être, laisser resurgir en nous la sève ardente des anciens dieux, que leurs souffles brûlants nous enflamment la moelle épinière comme une brochette lumineuse, et que notre peau ne soit plus qu’une interface vitrifiée entre le brasier interne de nos organes vitaux et la langue de feu céleste du Paraclet.

Parousia est né le 22 juillet 2008 sur le parvis de la basilique de Saint-Maximin, en cette terre de Provence totalement ignorée par la plupart des apprentis spirituels de notre temps. Les reliques de Sainte Marie-Madeleine sont le troisième tombeau le plus important du christianisme, et tout le monde s’en fout : les gens préfèrent la pyramide du Louvre. Tant mieux, bien sûr.

Marie-Madeleine était une louve mystique, parfaitement décrite par Jean-Yves Leloup dans son dernier ouvrage « Marie Madeleine à la Sainte Baume » : « Quand l’énergie animale l’habitait, elle était vraiment une femme sauvage, capable de courir pendant des heures à la recherche d’un parfum rare qui l’appelait d’un des sommets de la montagne. Son regard voyait au loin ; son ouïe la renseignait sur des voisinages parfois très lointains ; surtout, elle savait reconnaître le son de chacun des vents qui traversaient la forêt. Elle ne donnait pas de nom à cette énergie animale qui l’habitait parfois et la rendait capable de communiquer à travers divers chants, cris et rugissements avec les autres animaux. L’énergie animale prenait différentes formes – à chaque fois bien adaptée à la situation dans laquelle elle se trouvait. Etait-elle louve, loutre ou lièvre ? »

Seuls les Elus viennent à la Sainte-Baume humer le crâne flamboyant de la Madeleine : ça facilite le tri. Je n’y ai jamais vu aucun de ces prétendus royalistes catholiques, qui professent partout leur foi hystérique de nouveau converti, tout en méconnaissant gravement les fondations celtes de leur religion. On dirait, à les entendre, que le christianisme est arrivé en Gaule par la Germanie. En réalité, ces gens sont irréductiblement français (c’est-à-dire francs) : voilà tout ce qui nous sépare d’eux.

La France est la nation qui inventa la Modernité, en étouffant pour ce faire la terre surnaturelle et enchantée sur laquelle elle s’est juchée. Allez-y les gars, continuez à affirmer partout que votre peuple est né à la fin du cinquième siècle, persistez allègrement à nier la foi ardente de vos aïeux qui n’ont pas attendu Clovis pour s’agenouiller devant l’Homme-Vert Jésus : n’ayez crainte, la Peste Noire vous rattrapera tôt ou tard, avec ou sans musique.

Le combat de Parousia, qu’il passe par internet, le théâtre grand-guignol, la conférence-baston ou la lecture-fleuve, est toujours le même : la lutte eschatologique de la Gaule contre la France, sans aucune discussion possible. Les mondialistes d’aujourd’hui sont les enfants de ceux qui ont transformé la Gaule en France, tout en appliquant strictement la même méthode et en l’élargissant à la planète : ultra-centralisation politique (de Paris à Jérusalem), pleins pouvoirs francs-maçons sous couvert de dogmatisme républicain (de la Convention à Maastricht), libéralisme déterritorialisé (de Colbert à Attali), dissolution raciale (cela commence par la prise en mains d’un pays celte par une poignée de Germano-Belges, et ça finit par la bruxellisation de l’Europe) et acculturation maximale (nomadisation des peuples sédentaires et sédentarisation des peuples nomades, …). L’éradication anti-traditionaliste de la civilisation celto-chrétienne par l’appareil administratif parisien est le modèle structurel et archétypal de l’occidentalisation du monde.

C’est le génie celte qui permit de transposer la structure sociale tri-fonctionnelle du village gaulois (druide/chef/paysan) à la société féodale (prêtre/roi/tiers-état). Mais c’est la bourgeoisie française qui rongea et détruisit ce modèle universel traditionaliste (le modèle des castes), qui n’est pas du tout – comme l’affirme Francis Cousin – une tradition dévoyée ! Comme tous les intellectuels prisonniers de leur grille de lecture marxiste, Cousin – très bon penseur, par ailleurs – est incapable de voir que s’il y a dégénérescence, elle se trouve dans la substance même de l’homme, et certainement pas dans le modèle social de ses élites justifiées ! C’est l’homme qui est dévoyé, pas la tradition. Un marxiste ne peut résolument pas intégrer la chute de l’homme – ou péché originel – dans sa vision du monde, et pour lui, la destruction de la communauté organique primordiale – ou Paradis originel – ne peut qu’être due à la volonté de certains d’opprimer leurs semblables, aucunement à la nature lourde et vicieuse de certains hommes du peuple. Le pauvre n’est pas toujours vertueux, il faudrait tout de même lire un peu Céline. Les marchands proviennent des basses couches de la population, pas de l’aristocratie…

Revenons à la France. Comme le savent tous les véritables révolutionnaires (slaves et scandinaves, mais aussi noirs, arabes ou chinois), c’est dans ce pays que s’enclenchera la libération, car c’est ici que le grand renversement a commencé. Des bords ardents et calcaires de la Méditerranée jusqu’aux hauteurs arides des sommets alpins, des pentes douces des Vosges jusqu’aux forêts profondes de Bourgogne, les êtres humains et les animaux commencent à sortir de leur longue léthargie millénaire, à discuter sans passer par Facebook ou le téléphone portable, à caresser des troncs d’arbres en pleurant d’amour, à couronner des enfants au cœur flamboyant juchés sur des rochers ronds comme des planètes et hauts comme des éléphants, et certains s’assoient pour attendre le Verbe qui renaît et revient au galop. La moitié est de la France constitue, à ce titre, une avant-garde mystagogique de premier ordre. J’espère que la moitié ouest suivra ; pour l’instant, on y falsifie abjectement le celtisme et on y vote François Hollande.

Pour résumer en une phrase, Parousia est le contraire même d’une société secrète : c’est la confrérie des loups-garous des derniers temps.

2-Pourquoi avoir choisi La Salette ?

« La Salette est le plus grand événement depuis la Crucifixion ». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Jacques Maritain, que l’on ne peut guère soupçonner d’un quelconque fanatisme religieux. Effectivement, l’apparition de la Vierge Marie à La Salette le 19 septembre 1846 fut le signe le plus évident de l’enclenchement des Temps de la Fin, le signe que le Christ commença à Se décrucifier pour Lui permettre de siéger au cœur de la Jérusalem Céleste. Bien plus qu’un « simple » témoin d’une Apparition mariale, la bergère Mélanie Calvat recouvre l’antique fonction de la prophétesse (fonction devenue exclusivement masculine avec le judaïsme).

La Sybille de Cumes avait prophétisé la naissance du Christ, Mélanie Calvat a prophétisé celle du Paraclet.

Lorsque Paul Claudel vit la photographie du squelette de Mélanie, exhumé dix-huit ans après sa mort à Altamura, il écrit (dans L’Evangile d’Isaïe) : « C’est la même profonde émotion pour moi que lorsque l’on me mit entre les mains le crâne rayonnant de Marie-Madeleine à Saint-Maximin ».

Mises à part quelques mariophanies datant justement du début du seizième siècle (Guadalupe, Cotignac), commencement historique effectif de la Modernité, c’est la première fois dans l’histoire que Marie prononce des paroles absolument eschatologiques, utilisant un vocabulaire tout à fait similaire à celui de l’Apocalypse. L’époque de l’apparition de La Salette correspond au surgissement de la production industrielle, des journaux à grand tirage et de la politique médiatique : la mise en garde de la Vierge est d’une cruciale – et décrucifiante – actualité. Par ailleurs, il faut insister sur le rôle grandissant de Marie en cette fin de cycle : le dogme de l’Immaculée Conception a été énoncé huit ans après l’apparition de La Salette, et on peut espérer que d’autres dogmes ne tarderont pas à être formulés par la papauté des temps derniers, des dogmes attendus depuis Joachim de Flore qui mettront l’accent sur la Royauté Absolue et Cosmique de la Sainte Vierge. Tout est arrivé par Marie, tout passe par Marie, tout changera grâce à Marie.

De plus, il existe des liens fascinants entre La Salette et la Royauté. Nombre d’observateurs ont noté le lien entre Naundorff et le Secret salettin, dont Léon Bloy bien sûr : « Analogie ou affinité, correspondance ou relation mystérieuse entre le Miracle de la Salette et le Miracle de la destinée du Fils de Louis XVI. Un roi pauvre, un roi mourant de faim et de misère, le fils couvert d’ordures et obstinément renié de soixante rois, vient offrir à la France de la sauver, et on l’assassine, après l’avoir longtemps flagellé. Nolumus hunc regnare super nos. » (Celle qui pleure, chap. XXVI « La Salette de Louis XVII »).

Mais curieusement, bien peu ont su voir que le premier homme d’église à avoir pleinement accrédité l’Apparition, à savoir Mgr de Bruillard évêque de Grenoble, était un homme d’une extrême singularité : en plus d’être, selon toutes vraisemblances, un fils naturel de Louis XV, il était le dernier évêque de France encore en vie à avoir été ordonné avant la Révolution ! Sur le simple plan historique, La Salette est donc un événement extraordinaire qui tisse des liens très mystérieux, à la fois avec Louis XV et Louis XVII.

Et dire que certains guénolâtres m’ont reproché d’être un disciple de La Salette ! Ces très sombres abrutis confondent, comme toujours, la doctrine de Guénon (dont un des points distinctifs, par exemple, est la mise en évidence du caractère anti-traditionnel de la nation française, comme le montre le chapitre VII de Autorité spirituelle et Pouvoir temporel) avec ses avis et opinions. C’est ce qu’on appelle le lettrisme, et là comme en religion, le pied de la lettre est d’abord la preuve de l’incurie spirituelle de celui qui le pratique. Quand, dans une affaire comme La Salette, on a d’un côté Bernanos, Bloy, Massignon, Claudel, Parvulesco, Pie IX et Léon XIII comme fervents adeptes salettins, et que de l’autre, on a Guénon un tantinet dubitatif, permettez-moi de me placer très humblement dans le premier camp.

De manière générale, les guénolâtres font partie des pires tribus du monde contemporain. Leur frigidité alliée à leur nocivité trouvent peut-être en partie leur origine dans l’écriture « neutre » de Guénon, son éloignement volontaire de tout effet littéraire, ce qui autorise les lecteurs malsains en quête de pureté rhétorique ou ascétique à se réclamer de son œuvre. Rien n’est plus facile que de déguiser son atrophie humaine sous une prétendue exigence de dépersonnalisation spirituelle. La littérature clarifie toujours les intentions de l’auteur, ce qui n’est paradoxal que pour les imbéciles. Il y a nettement plus de gens intelligents et spirituels – et même, plus de gens ontologiquement proches de la Tradition – chez les bloyens que chez les guénoniens !

Encore quelques mots sur La Salette. Suivant le précepte de Parvulesco selon lequel les plus grands sites spirituels sont agencés comme certains groupes stellaires, je n’ai pas mis longtemps à constater que les lignes joignant les points névralgiques du Sanctuaire de La Salette (croix, basilique, Marie en élévation, groupe de la conversation – ou du chien, Vierge à l’ancre, mont Gargas, cimetière, mont Bonne-Mère) reflétaient la géométrie zigzagante de la constellation de la Vierge (Spica, Thêta, Perrima, Auva ou étoile du chien, Jiao Xu, Vindemiatrix, Zaniah, Nu). Cela se voit d’ailleurs très nettement sur les dessins préparatoires de l’architecte Berruyer pour l’érection de la basilique. La commémoration des quatre ans de Parousia, le 15 septembre prochain, se basera sur cette pénétrante analogie en égrenant une poignée d’actes artistiques (représentation de l’Apparition, lecture de « Celle qui pleure » de Bloy, musiques archaïques et ultra-contemporaines, sculptures minérales,…) le long de ces stations, comme la récitation lancinante d’un chapelet brûlant entre ciel et terre.

3-Disciple de Jean Phaure, Artaud, Rimbaud… vous semblez vous être amoureusement rapproché d’Alexandre Douguine et Jean Parvulesco. Comment ces deux auteurs influent-ils sur votre pensée ?

Parousia s’investit dans trois domaines qui restent souvent contigus : la spiritualité, l’art et la politique. C’est leur enchevêtrement dynamique qui permet d’exhausser un acte cohérent en action révolutionnaire. Cet art totalitaire a été élevé au plus haut rang par Dominique de Roux, Marc-Edouard Nabe et Jean Parvulesco, qui ont commencé à écrire là où Artaud et Gilbert-Lecomte se sont arrêté. Ces derniers ont commencé à écrire là où Rimbaud s’est arrêté. Quant à Rimbaud, il n’a fait que prolonger l’Apocalypse de Jean dans les temps modernes, littéralement et dans tous les sens. La succession de ses Poésies initiales, d’Une saison en Enfer et des Illuminations est une transposition alchimique du Verbe johannique, sur le même rythme ternaire (et trinitaire) qui sous-tend l’Apocalypse.

Jusqu’à Rimbaud, la grande littérature nous apprenait à mourir. Après lui, elle nous apprend à ressusciter.

Quant à Alexandre Douguine, il est porteur de la pensée métapolitique la plus pertinente aujourd’hui : l’élaboration du Royaume Eurasien par l’alliance élitiste entre les spiritualités actives et justifiées de notre continent. L’Eurasie est le meilleur moyen d’annuler le traumatisme du néolithique, et de retrouver ce que Pierre Gordon appelait l’Institution Sacrée du Paléolithique. C’est un projet résolument suprahistorique. Laissez-moi expliciter ce dernier terme, à l’intention de Johan Livernette qui « rigole » dans une de ses dernières vidéos parce qu’il n’en comprend pas le sens (lors de la lecture moqueuse d’un texte de Parvulesco consacré à Poutine) : cela signifie que le projet en question est aimanté par un point situé bien au-delà de l’histoire, un point inamovible et brillant de mille feux comme une couronne de diamants. La mission de Jeanne d’Arc, par exemple, était suprahistorique. Le rire de Livernette est glacial ; c’est celui de l’adolescent qui surprend des adultes en train de faire l’amour, qui ne comprend pas encore vraiment ce que cela veut dire, et qui choisit de s’en moquer.

Il finit d’ailleurs en disant que « l’initiation, c’est la porte ouverte au démon », et que « la gnose est le projet de la franc-maçonnerie ». C’est plutôt rigolo (je peux me marrer, moi aussi ?), quand on sait que la société contemporaine – fruit partiel de la conspiration talmudo-libéralo-maçonne – est sans doute la première société de toute l’histoire où les notions d’initiation, de transmission et de gnose n’ont plus aucun sens, et ont été absolument et rigoureusement éradiquées (les hommes étant atomisés, et dissous dans une horizontalité niveleuse). On ne peut que constater la profondeur des abysses entre « la pensée dissidente » de 2012 et la pensée suprahistorique des Templiers au treizième siècle, qui était axée sur la lutte eurasienne unissant frères initiés (à la spiritualité et à la guerre) contre les nations modernes, ainsi que sur l’alliance spirituelle entre chrétiens et musulmans (aussi bien Cheikh al-Jebal que Saladin) contre le principe sataniste de la division, et pour l’instauration d’un Empire spirituel sous l’égide de la Vierge Marie… Quant à la question de la gnose, j’ose à peine évoquer la pensée, probablement diaboliquement franc-maçonne, de saint Clément d’Alexandrie (Père de l’Eglise fêté le 4 décembre), qui définissait par gnostique : « celui qui est dans la connaissance exacte de la foi chrétienne », et qui écrivait dans ses Stromates : « La Gnose, communiquée et révélée par le Fils de Dieu, est la sagesse ».

Un dernier petit détail, toujours à propos de cette vidéo de Livernette. Il glisse en passant que Louis Massignon a « fini athée ». Or, parmi tous les écrivains et intellectuels du vingtième siècle à se battre pour un véritable renouveau catholique, Massignon s’est démarqué en étant le seul à se faire ordonner prêtre (en janvier 1950)… Mais il est vrai qu’il s’est affilié à l’église melkite, église catholique orientale de langue arabe. C’est très suspect, ça…

Permettez-moi de conclure votre question en citant une phrase de Parvulesco à l’intention d’Olivier Germain-Thomas, publiée dans « Agora – Les aventuriers de l’esprit » (Ed. La Manufacture, 2003), phrase que je reprends entièrement à mon compte : « La mission de notre génération est celle de procéder, dans les termes d’une nouvelle métapolitique révolutionnaire, et nouvelle absolument, à l’établissement, au rétablissement à la fois suprahistorique et le plus directement, le plus subversivement politique, de la plus Grande Europe et partant de l’unité impériale grand-continentale de la Forteresse Eurasiatique, de définir géopolitiquement et théosophiquement les retrouvailles de l’histoire et de l’ancien concept polaire et hyperboréen du Grand Continent, l’Ile du Milieu du Monde. Or la mise en réalisation finale, à la fois métahistorique et directement politique, du projet d’un retour nuptial à l’Ile du Milieu du Monde ne saurait en aucun cas se faire autrement que sous l’identité transcendantale du Regnum Sanctum, autrement que sous la protection et dans l’exaltation dogmatique du Règne Impérial de Marie et du soleil blanc du Cœur Immaculé de Marie, le Soleil Blanc de Fatima ».

Le jour où l’Etoile Rouge du Kremlin sera remplacée par une statue de la Vierge Marie, ce programme deviendra très clair pour tout le monde.

4- Vous vous êtes démarqué des milieux « anti-conformistes » en conspuant ce que l’on appelle le complotisme. Cette prise de position n’a peut-être pas été clairement comprise, pourriez-vous la réexpliquer ? Vous êtes par ailleurs un fin lecteur de Jean Parvulesco, qui pouvait s’adonner également – selon un lecteur non averti – au complotisme. Quelles sont les différences entre la vision Parvulescienne et les différentes formes de conspirationnisme que l’on peut voir sur le net, ou ailleurs ?

Le véritable nœud de l’affaire est proprement théologique : les « complotistes » pensent, au fond, que l’homme devient tout-puissant lorsqu’il est satanisé, et que ce dernier se trouve au cœur de l’union secrète entre multinationales, banques et gouvernements. Or, je pense pour ma part que si le nombre d’hommes atteints par le Mal est en croissance exponentielle, ces derniers se caractérisent généralement par une très-profonde bêtise ontologique, et que ce ne sont pas ces hommes eux-mêmes qui dirigent l’Occident, mais une force luciférienne qui les dépasse absolument. Parvulesco parle « de la somme infernale des opérations négationnistes secrètement menées, en Europe, depuis la fin du Moyen-Age, par les puissances occultes au service commandé du non-être et du chaos antérieur ». En d’autres termes, il ne s’agit pas d’hommes qui utilisent les moyens de Lucifer (vision de comic book amplifiée et démultipliée par le web), mais de Lucifer qui utilise des moyens humains (vision sérieuse et parvulescienne des rapports de force authentiques, qui sont des rapports de force spirituels).

La différence est de taille entre ces deux visions de la conspiration libéralo-maçonne : la première, celle qui assigne aux hommes eux-mêmes l’entière maîtrise des conspirations planétaires, est celle des « complotistes » : elle est en réalité totalement hérétique, car elle repose sur la croyance en l’omnipotence de l’homme, fût-il satanisé jusqu’au trognon. Elle est également anti-traditionaliste, et elle va tout à fait à l’encontre de ce qu’écrivait Guénon (toujours dans Autorité spirituelle et Pouvoir temporel, dont le chapitre IX constitue un véritable bréviaire pour « la véritable réalisation du Saint-Empire ») : « plus les éléments sociaux qui l’emportent sont d’un ordre inférieur, moins leur domination est durable. Comme tout ce qui n’a qu’une existence négative, le désordre se détruit lui-même ».

Idéologie profondément moderne et non-guénonienne, le « complotisme » est la croyance en l’extrême solidité toute-puissante du pouvoir temporel démoniaque. Cela permet d’affirmer, par exemple, qu’il est beaucoup plus logique de dire que le Onze-Septembre est le produit d’une gigantesque conspiration du gouvernement américain, qui a dû mobiliser pendant des années une somme colossale de réseaux financiers, militaires, administratifs et médiatiques dans le but de justifier une guerre contre l’Afghanistan (alors que les USA avaient déjà envahi les trois quarts de la planète auparavant, sans jamais avoir eu besoin d’une quelconque justification), et bien cette explication serait beaucoup plus logique et raisonnable, intelligente et indiscutable, plutôt que celle qui consiste à y voir le détournement de quatre avions par une vingtaine de mecs (il y a eu plusieurs centaines de détournement d’avions dans le monde depuis juillet 68). Mais le « complotisme » est formel : c’est la première explication qui est la bonne, car les hommes de l’Empire sont absolument et entièrement omnipotents. Et puis, dire le contraire, c’est injurier nos compatriotes musulmans qui n’aspirent qu’à prier tranquillement Allah sans causer de problème à personne…

Poussé dans ses derniers retranchements, le « complotisme » est une négation de la grâce, et bien sûr de Dieu. A leurs yeux, tout ce qui est un peu étrange est suspect, et tout ce qui est suspect est sioniste. Les seuls musulmans « complotistes » que je respecte, sont ceux qui quittent l’islam parce qu’ils pensent que c’est une construction du rabbin de la Mecque pour enjuiver les Arabes jusqu’à la garde.

Lorsque Jésus commença à prêcher la Bonne Nouvelle, les zélotes pensèrent que c’était un envoyé de l’Empire Romain (une « stratégie Mohamed Merah » avant l’heure), lequel voulait en finir avec la rébellion armée en balançant un semi-fou manipulé dans leurs troupes pour les diviser entre eux. Le plus célèbre de ces « complotistes » était Judas, bien sûr.

Le jour de l’avènement de la Jérusalem Céleste, les « complotistes » diront que c’est un coup du Mossad.

Les ravages du « complotisme » chez les internautes persuadés que c’est la secte Skull&Bones qui dirige leur vie tout entière à partir d’une petite clairière du Connecticut, relève d’un mécanisme d’imbécillité généralisée de plus en plus monstrueux, et surtout absolument contre-productif. Parano pour parano, je prétends, moi – et depuis le début ! – que les Etats-Unis sont clairement derrière le développement intensif du « complotisme » via internet, cette terrible arme de guerre américaine. Le tri très soigneux de leurs sources et références m’insupporte de plus en plus ; il me semble qu’ils n’ont pas beaucoup relayé l’aveu d’Alex Jones (une de leurs idoles complètement débiles) selon lequel il était sioniste, ainsi que les accusations disant qu’il serait un espion de la CIA…

Ils ne relaient non plus pas beaucoup le fait que le « complotisme » a été le moyen pour le KKK de régner sur le sud des Etats-Unis au début du dix-neuvième siècle, payant des mecs bien placés dans les milieux noirs pour leur faire croire que c’était le KKK qui organisait secrètement les actes de rébellion qui secouaient le pays de temps à autre. La conclusion ? Et bien, ça ne servait à rien de s’armer et de se battre, puisque le KKK contrôlait tout. « L’attentat d’hier soir n’a jamais eu lieu », leur répétaient à l’envi les collabos de l’époque… Et puis, prétendre le contraire, c’était injurier leurs compatriotes noirs qui n’aspiraient qu’à vivre tranquillement sans causer de problème à personne…

« False flag, inside job, black operation… ». Tous les concepts et les termes utilisés par les « complotistes » sont américains. Le « complotisme » est un produit de la sous-culture américaine (directement manipulée par la CIA). Tout comme la CIA avait jadis créé le gauchisme à partir de San Francisco pour lutter contre le communisme, elle a aujourd’hui amplifié le « complotisme » à partir d’internet pour lutter contre la révolution spirituelle authentique. Dans cinquante ans, tous les dissidents parleront d’Alex Jones (et des autres…) comme ils parlent aujourd’hui de Cohn-Bendit. Le « complotisme » est une colonisation supplémentaire de l’esprit européen par la débilité profonde des Etats-Unis (que je connais parfaitement pour avoir naguère effectué un séjour en Caroline du Nord, là où ne se rend jamais aucun touriste).

On nous assène maintenant qu’Hitler était une marionnette des juifs… Un de mes amis antisémites, terrassé par les révélations du révisionnisme, s’était même tout à fait arrêté d’admirer le nazisme depuis qu’on lui avait dit que la Shoah n’avait jamais existé !… « Merde alors, moi qui croyais que les nazis étaient des mecs efficaces ! », m’a-t-il dit, désespéré… Le révisionnisme a fait beaucoup de mal au nazisme.

De toutes manières, tout est très simple aux yeux des « complotistes » : rien n’existe ni n’a jamais existé. Il paraît, par exemple, que la sonde Curiosity récemment envoyée sur Mars est un jouet en plastique filmé dans un studio d’Hollywood… Leur stupidité nihiliste culmine avec le récentisme, cette nouvelle théorie qui vous démontre que Charlemagne est une pure invention de quelques moines catholiques (encore une attaque contre l’Eglise, au demeurant). Il existe même un universitaire retraité, Pierre Dortiguier, qui nous apprend dans une de ses conférences que Platon ne pouvait pas être aussi intelligent qu’on le prétend, puisqu’il vivait en Antiquité : or, à cette époque, on ne pouvait pas savoir autant de choses que ce qu’on peut lire dans le Timée ou la République, bien sûr ! Par conséquent, le véritable Platon ne peut qu’être Gemiste Pléthon (mort en 1452). Quand je pense que certains m’accusent de dire des choses pas très sérieuses durant mes conférences !… Face à autant de bêtise cosmique tranquillement assumée, je ne suis pas certain d’avoir à faire un commentaire…

Aujourd’hui, tout groupe islamique révolutionnaire est jugé en deux secondes et demie par un « complotiste » comme étant stipendié de l’Empire américain, exactement comme le faisaient Alexandre del Valle et les pires droitards anti-musulmans des années 90-2000… Alexandre Douguine est loin de faire cette erreur grotesque, lui qui déclare dans un entretien de février 2012 à New Delhi avec Arktos qu’il distingue très clairement l’universalisme salafiste de l’hégémonie libérale, et que l’efficacité de notre combat exige une alliance – au moins temporaire – entre les Eurasiens et certains mouvements jihadistes. Ces propos relèvent du bon sens le plus élémentaire, et étaient compris par tous les « dissidents » jusqu’à la massification de la pensée internaute « complotiste ». Ce n’est pas parce que Douguine goûte peu à la théologie salafiste (il préférerait travailler avec des Soufis traditionalistes) qu’il les accuse d’être tous sionistes ! Yahia Gouasmi a d’ailleurs la même attitude, et ce n’est pas un hasard si ces deux personnes font partie des plus grands traditionalistes révolutionnaires du monde contemporain.

5-Un mot à dire sur l’actualité récente ? Syrie, réélection de Poutine, François Hollande et retour d’Harlem Désir… ?

L’élection de François Hollande à la tête de notre pays est la plus grande catastrophe de ces deux dernières centaines d’années. L’histoire politique française est très simple à suivre : chaque nouveau président fait regretter le précédent. Et il fallait être vraiment très fort pour nous faire regretter Sarkozy ! J’étais à Dakar lors de l’investiture de Hollande : en voyant les visages réjouis de Guy Bedos, Jean-Michel Ribes, Bruno Masure et toutes les autres vieilles merdes du socialisme français, tous ces Untermensch que j’avais tant aimé voir se liquéfier de peur le 21 avril 2002, j’ai dégueulé mon tiéboudienne de la veille dans les chiottes de l’hôtel Al Afifa. Mais le pire, c’est le sourire de Moscovici. Les actes les plus immondes se déroulent aujourd’hui en souriant : c’est le principe même de la démocratie quantitative. Rendez-vous en Angleterre ou aux Etats-Unis : tout le monde y sourit en permanence (sans manifester aucun humour), et ce que les gens reprochent souvent aux Russes, c’est de faire la gueule. C’est en souriant que l’on nous enverra faire la guerre contre la Syrie, puis contre la Russie, l’Iran et la Chine. Savoir que nous sommes aujourd’hui gouvernés par le sourire de Moscovici, c’est vraiment se préparer à la révolution intégrale de tous les instants, à la radicalisation permanente d’une lutte à mort contre la Juiverie des Ténèbres.

La gueule de Moscovici, c’est la figure de la Grande Extinction Cosmique, c’est Lucifer-Bouche-d’Egout.

6- Un livre est-il en préparation ? Quelle est votre actualité ?

C’est par la jonction spirituelle entre la Russie, le Liban, le Japon et la France que jaillira la véritable force chevaleresque des derniers temps. J’y consacre chacun de mes souffles. Je me rends la première semaine de septembre à St Petersbourg et Moscou pour cela ; et également pour inviter Alexandre Douguine au colloque Parvulesco qui se tiendra prochainement à Paris. Par ailleurs, je travaille depuis longtemps sur un roman – mon premier et dernier roman – qui sera une ode au Cœur Polaire et Impérial de Sainte Marie-Madeleine.